L’histoire de la tielle commence à Gaète, une petite ville italienne entre Rome et Naples. Au XIXe siècle, des familles de pêcheurs italiens quittent Gaète, emportant avec elles une recette de tourte au poulpe appelée « tiella ». Le mot « tiella » vient de « teglia », qui signifie « plat à four » en italien. À Gaète, les tielles étaient remplies de poulpe, de tomates, d’oignons et d’épices, puis cuites jusqu’à ce qu’elles soient dorées et croustillantes.
Mais ce n’est pas tout. Sous la domination espagnole au XVIe siècle, les habitants de Gaète s’inspirent des soldats espagnols qui ajoutent un couvercle de pâte à leurs pizzas pour les conserver plus longtemps. Cette idée ingénieuse donne naissance à la tielle que nous connaissons aujourd’hui.
Quand les Italiens arrivent à Sète à la fin du XIXe siècle, ils trouvent une ville pleine de vie et de traditions culinaires. Curieux et gourmands, les Sétois adoptent rapidement la « tiella » italienne. Les pêcheurs locaux commencent à utiliser des poulpes fraîchement pêchés, des tomates bien mûres et de l’huile d’olive pour créer leur propre version : la tielle sétoise.
Au début, la tielle est surtout consommée par les familles de pêcheurs italiens. Les enfants emmènent souvent des tielles à l’école, bien cachées dans leur cartable, car les autres enfants mangent des croissants du boulanger. La tielle est alors considérée comme un plat modeste, destiné aux familles de pêcheurs du quartier haut de Sète.
Dans les années 1930, Adrienne PAGES, née à Agde et mariée à Bruno VIRDUCCI, un pêcheur italien, commence à vendre des tielles à Sète. Leur petit commerce, « La Reine des Mers », devient rapidement célèbre. Face à la demande croissante, Mimi Cianni, le beau-fils d’Adrienne, achète un four à la foire de Marseille en 1937 pour augmenter la production. Et voilà, la révolution de la tielle sétoise est en marche !
Adrienne déménage son commerce devant le bar de La Marine, et son fils Achille crée une petite fabrique artisanale sous les escaliers du marché aux poissons. Sa sœur Raymonde reprend l’étal de coquillages de leur mère, et ensemble, ils perpétuent la tradition familiale. Dans les années 60, Sandrine SPOSITO fabrique des tielles pendant 50 ans, vendues à l’étal de Raymonde. Les descendants d’Adrienne continuent de produire des tielles avec passion.
Les enfants d’Adrienne se marient avec des membres des familles DASSE et CIANNI, fondant ainsi leurs propres entreprises de tielles. Aujourd’hui, les entreprises DASSE, VIRDUCCI et CIANNI sont parmi les plus renommées à Sète. La tielle sétoise est devenue une affaire de famille, un véritable héritage culinaire.
Aujourd’hui, la tielle sétoise est une star de la gastronomie méditerranéenne. Les recettes varient d’un artisan à l’autre, mais les ingrédients de base restent les mêmes : une pâte croustillante, une garniture savoureuse à base de poulpe, de tomates, d’oignons, d’ail et d’épices. Chaque bouchée est une invitation au voyage, un rappel des racines méditerranéennes qui ont façonné ce plat unique.